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son navire. On embarqua le plus possible de ces animaux qu’il était opportun d’acclimater aux Canaries, et le baron mit à la voile, abandonnant ce cap Bojador qu’il a eu l’honneur de dépasser trente ans avant les navigateurs portugais.

Pendant cette navigation de la côte africaine à la Grande-Canarie, les trois navires furent séparés par les vents. L’un arriva à Fortaventure, l’autre à l’île de Palme. Mais enfin tous furent réunis au lieu du rendez-vous. La Grande-Canarie mesurait vingt lieues de long et douze de large. Elle avait la forme d’une herse. Au nord, c’était un pays uni, et montagneux vers le sud. Sapins, dragonniers, oliviers, figuiers, dattiers, y formaient des forêts véritables. Les brebis, les chèvres, les chiens sauvages se trouvaient en grande quantité sur cette île. La terre, facile à labourer, produisait annuellement deux récoltes de blé, et cela sans aucun amendement. Ses habitants faisaient un grand peuple et se disaient tous gentilshommes.

Lorsque Jean de Béthencourt eut opéré son débarquement, il songea à conquérir le pays. Malheureusement, ses guerriers normands étaient très-fiers de la pointe qu’ils avaient poussée sur la terre d’Afrique, et, à les en croire, ils se flattaient de conquérir avec vingt hommes, seulement toute la Grande-Canarie et ses dix mille indigènes. Le baron de Béthencourt, les voyant si enflés, leur fit bien des recommandations de prudence, dont ils ne tinrent aucun compte. Ce qui leur coûta cher. En effet, dans une escarmouche pendant la-