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rote, et mit le comble à sa scélératesse en simulant une alliance avec le roi de l’île et les Canariens. Le roi, ne pensant pas qu’un officier du seigneur de Béthencourt, en qui il avait toute confiance, pût le tromper, vint avec vingt-quatre de ses sujets se mettre entre les mains de Berneval. Celui-ci, quand ils furent endormis, les fit lier et conduire au port de l’île Gracieuse. Le roi, se voyant indignement trahi, rompit ses liens, délivra trois de ses hommes et parvint à s’enfuir ; mais ses infortunés compagnons demeurèrent prisonniers, et furent livrés par Berneval à des larrons espagnols qui les menèrent vendre en terre étrangère.

A cette infamie Berneval en joignit d’autres. Ainsi, par son ordre, ses compagnons s’emparèrent du navire que Gadifer avait envoyé au fort de Lancerote pour lui rapporter des vivres. Remonnet voulut se battre contre ces traîtres ; mais lui et les siens étaient en trop petit nombre. Leurs supplications ne purent même empêcher la bande de Berneval, et Berneval en personne, de piller et détruire les approvisionnements, les outils et les armes que Jean de Béthencourt avait réunis au fort de Lancerote. Puis, les insultes ne furent pas épargnées au gouverneur, et Berneval s’écria : « Je veux bien que Gadifer de la Salle sache que, s’il était aussi jeune que moi, je l’irais tuer ; mais, parce qu’il ne l’est pas, par aventure, je m’en dispenserai. S’il me monte un peu à la tête, je l’irai faire noyer en l’île de Lobos, et il y péchera aux loups marins ! »

Cependant, Gadifer et dix de ses compagnons, sans