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ment, s’il n’y poussait une quantité considérable de ces cannes merveilleusement grosses et grandes, qui ne sont autres que des bambous. En effet, « les marchands et les voyageurs qui parcourent ces contrées la nuit prennent de ces cannes et en font un grand feu, parce que, quand elles brûlent, elles font un tel bruit et de tels craquements, que les lions, les ours et les autres bêtes fauves, épouvantés, se sauvent au loin, et ne s’approcheraient du feu pour rien au monde ; les voyageurs font donc ce feu pour préserver leurs animaux des bêtes fauves, qui sont très-communes dans ce pays. Or, voici comment se produit ce grand bruit : on prend de ces cannes toutes vertes, et on en met plusieurs dans un feu de bois ; au bout d’un certain temps qu’elles sont dans le feu, elles se tortillent et se fendent par la moitié, avec un tel bruit que, la nuit, on l’entend bien à dix milles de loin. Et quand on n’est pas accoutumé à ce bruit, on en demeure tout ébahi, tant c’est horrible à entendre : les chevaux qui ne l’ont jamais entendu en sont tellement effrayés qu’ils rompent cordes et licols et prennent la fuite, ce qui arrive souvent ; mais, quand on sait qu’ils ne sont pas aguerris à ce bruit, on leur bande les yeux et on leur lie les quatre pieds, de sorte que, lorsqu’ils entendent ce grand bruit, ils ne peuvent s’enfuir. C’est de cette manière que les hommes échappent, eux et leurs bêtes, aux lions, ours et autres mauvaises bêtes, qui sont très-nombreuses en ce pays. » Le procédé relaté par Marco Polo est encore employé dans les contrées qui produisent le bambou, et, véritable-