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M. RÉ-DIÈZE ET Mlle MI-BÉMOL.

l’ajustement du registre des voix enfantines. Cet appareil était là, dans une boîte, une série de flûtes de cristal qui devaient produire des sons délicieux. Maître Effarane, aussi habile organier que merveilleux organiste, espérait enfin réussir là où il avait échoué jusqu’alors. Néanmoins, je m’en apercevais, il ne laissait pas que de tâtonner, essayant d’un côté, puis de l’autre, et lorsque cela n’allait pas, poussant des cris, comme un perroquet rageur, agacé par sa maîtresse.

Brrrr… Ces cris me faisaient passer des frissons sur tout le corps et je sentais mes cheveux se dresser électriquement sur ma tête.

J’insiste sur ce point que ce que je voyais m’impressionnait au dernier degré. L’intérieur du vaste buffet d’orgue, cet énorme animal éventré dont les organes s’étalaient, cela me tourmentait jusqu’à l’obsession. J’en rêvais la nuit, et, le jour, ma pensée y revenait sans cesse. Surtout la boîte aux voix enfantines, à laquelle je n’eusse pas osé toucher, me faisait l’effet d’une cage pleine d’enfants, que maître Effarane élevait pour les faire chanter sous ses doigts d’organiste.

« Qu’as-tu, Joseph ? me demandait Betty.

— Je ne sais pas, répondais-je.

— C’est peut-être parce que tu montes trop souvent à l’orgue ?

— Oui… peut-être.