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HIER ET DEMAIN.

jamais un musicien n’osera mettre pareil sujet en musique ! »

Peut-être notre maître d’école avait-il raison ? Quel compositeur prétendrait faire vibrer de telles cordes !… Et pourtant qui sait ?… dans l’avenir ?…

Mais M. Valrügis continue sa dictée. Grands et petits, nous sommes tout oreilles. On aurait entendu siffler la flèche de Guillaume Tell à travers la classe… une centième fois depuis les dernières vacances.


II


Il est certain que M. Valrügis n’assigne à l’art de la musique qu’un rang très inférieur. A-t-il raison ? Nous étions trop jeunes alors pour avoir une opinion là-dessus. Songez donc, je suis parmi les grands, et je n’ai pas encore atteint ma dixième année. Et pourtant, une bonne douzaine de nous aimait bien les chansons du pays, les vieux lieds des veillées, et aussi les hymnes des fêtes carillonnées, les antiennes de l’antiphonaire, lorsque l’orgue de l’église de Kalfermatt les accompagne. Alors les vitraux frémissent, les enfants de la maîtrise jettent leurs voix en fausset, les encensoirs se balancent, et il semble que les versets, les motets, les répons, s’envolent au milieu des vapeurs parfumées…