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L’ÉTERNEL ADAM.

cap pour cap et ordonna de gouverner au Sud-Ouest. Le timonier obéit passivement. Qu’est-ce que cela pouvait bien lui faire ? De tous côtés, ne serait-ce pas la même chose ?…

Ce fut le neuvième jour de navigation à cette aire de compas que nous mangeâmes notre dernier morceau de biscuit.

Comme nous nous regardions avec des yeux hagards, le capitaine Morris commanda tout à coup de rallumer les feux. À quelle pensée obéissait-il ? j’en suis encore à me le demander ; mais l’ordre fut exécuté : la vitesse du navire s’accéléra…

Deux jours plus tard, nous souffrions déjà cruellement de la faim. Le surlendemain, presque tous refusèrent obstinément de se lever ; il n’y eut que le capitaine, Simonat, quelques hommes de l’équipage et moi, pour avoir l’énergie d’assurer la direction du navire.

Le lendemain, cinquième jour de jeûne, le nombre des timoniers et des mécaniciens bénévoles décrut encore. Dans vingt-quatre heures, personne n’aurait plus la force de se tenir debout.

Nous naviguions alors depuis plus de sept mois. Depuis plus de sept mois, nous labourions la mer en tous sens. Nous devions être, je crois, le 8 janvier. — Je dis : « je crois », dans l’impossibilité où je suis d’être plus précis, le calendrier ayant dès lors perdu pour nous beaucoup de sa rigueur.

Or, ce fut ce jour-là, pendant que je tenais