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L’ÉTERNEL ADAM.

sinueuse des rivages, et constater que rien, absolument rien, n’existe plus de ces lieux qu’ils pensaient éternels ! Se dire que la terre palpitait de vies innombrables, que des millions d’hommes et des milliards d’animaux la parcouraient en tous sens ou en sillonnaient l’atmosphère, et que tout est mort à la fois, que toutes ces vies se sont éteintes ensemble comme une petite flamme au souffle du vent ! Se chercher partout des semblables et les chercher en vain ! Acquérir peu à peu la certitude qu’autour de soi il n’existe rien de vivant, et prendre graduellement conscience de sa solitude au milieu d’un impitoyable univers !…

Ai-je trouvé les mots convenables pour exprimer notre angoisse ? Je ne sais. Dans aucune langue il n’en doit exister d’adéquats à une situation sans précédent.

Après avoir reconnu la mer où était jadis la péninsule indienne, nous remontâmes au Nord pendant dix jours, puis nous mîmes le cap à l’Ouest. Sans que notre condition changeât le moins du monde, nous franchîmes la chaîne de l’Oural devenue montagnes sous-marines, et nous naviguâmes au-dessus de ce qui avait été l’Europe. Nous descendîmes ensuite vers le Sud, jusqu’à vingt degrés au delà de l’Équateur ; après quoi, lassés de notre inutile recherche, nous reprîmes la route du Nord et traversâmes, jusque passé les Pyrénées, une étendue d’eau qui recouvrait l’Afrique et l’Espagne. En vérité nous commen-