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HIER ET DEMAIN.

L’Asie avait-elle donc eu le sort de l’Amérique ?

Nous en fûmes bientôt convaincus. La Virginia, continuant sa route cap au Sud-Ouest, arriva à la hauteur du Thibet, puis à celle de l’Himalaya. Ici auraient dû s’élever les plus hauts sommets du globe. Eh bien, dans toutes les directions, rien n’émergeait de la surface de l’océan. C’était à croire qu’il n’existait plus, sur la terre, d’autre point solide que l’îlot qui nous avait sauvés, — que nous étions les seuls survivants du cataclysme, les derniers habitants d’un monde enseveli dans le mouvant linceul de la mer !

S’il en était ainsi, nous ne tarderions pas à périr à notre tour. Malgré un rationnement sévère, les vivres du bord s’épuisaient, en effet, et nous devions perdre, en ce cas, tout espoir de les renouveler…

J’abrège le récit de cette navigation effarante. Si, pour la raconter en détail, j’essayais de la revivre jour par jour, le souvenir me rendrait fou. Pour étranges et terribles que soient les événements qui l’ont précédée, et suivie, quelque lamentable que m’apparaisse l’avenir, — un avenir que je ne verrai pas, — c’est encore durant cette navigation infernale que nous avons connu le maximum de l’épouvante. Oh ! cette course éternelle sur une mer sans fin ! S’attendre tous les jours à aborder quelque part et voir sans cesse reculer le terme du voyage ! Vivre penchés sur des cartes où les hommes avaient gravé la ligne