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HIER ET DEMAIN.

conque, si loin que portât la vue : de tous côtés, ce n’était que l’infini de la mer.

Il y avait, dans cette constatation, quelque chose de véritablement affolant. Nous sentions la raison près de nous échapper. Eh quoi ! le Mexique entier englouti !… Nous échangions des regards épouvantés, en nous demandant jusqu’où s’étaient étendus les ravages de l’effroyable cataclysme…

Le capitaine voulut en avoir le cœur net. Modifiant sa route, il mit le cap au Nord : si le Mexique n’existait plus, il n’était pas admissible qu’il en fût de même de tout le continent américain.

Il en était de même, pourtant ! Nous remontâmes vainement au Nord pendant douze jours, sans rencontrer la terre, et nous ne la rencontrâmes pas davantage après avoir viré cap pour cap et nous être dirigés vers le Sud pendant près d’un mois. Quelque paradoxale qu’elle nous parût, force nous fut de nous rendre à l’évidence : oui, la totalité du continent américain s’était abîmée sous les flots !

N’avions-nous donc été sauvés que pour connaître une seconde fois les affres de l’agonie ? En vérité, nous avions lieu de le craindre. Sans parler des vivres qui manqueraient un jour ou l’autre, un danger pressant nous menaçait : que deviendrions-nous quand l’épuisement du charbon frapperait la machine d’immobilité ? Ainsi cesse de battre le cœur d’un animal exsangue. C’est pourquoi, le 14 juillet, — nous nous trou-