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HIER ET DEMAIN.

du navire qui nous a recueillis. Alors seulement, j’apprends que nous avons séjourné dix jours entiers sur l’îlot et que deux d’entre nous, Williamson et Rowling, y sont morts de soif et de faim. Des quinze êtres vivants qu’abritait ma villa au moment du cataclysme, il n’en reste que neuf : mon fils Jean et ma pupille Hélène, mon chauffeur Simonat, inconsolable de la perte de sa machine, Anna Raleigh et ses deux filles, les docteurs Bathurst et Moreno, — et moi enfin, moi, qui me hâte de rédiger ces lignes pour l’édification des races futures, en admettant qu’il en doive naître.

La Virginia, qui nous porte, est un bâtiment mixte, — à vapeur et à voiles, — de deux mille tonneaux environ, consacré au transport des marchandises. C’est un assez vieux navire, médiocre marcheur. Le capitaine Morris a vingt hommes sous ses ordres. Le capitaine et l’équipage sont anglais.

La Virginia a quitté Melbourne sur lest, il y a un peu plus d’un mois, à destination de Rosario. Aucun incident n’a marqué son voyage, sauf, dans la nuit du 24 au 25 mai, une série de lames de fond d’une hauteur prodigieuse, mais d’une longueur proportionnée, ce qui les a rendues inoffensives. Quelque singulières qu’elles fussent, ces lames ne pouvaient faire prévoir au capitaine le cataclysme qui s’accomplissait au même instant. Aussi a-t-il été très surpris en ne voyant que la mer à l’endroit où il comptait rencontrer Rosario et