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HIER ET DEMAIN.

jourd’hui, l’incomplète accusation de l’oncle Sandre, éclairaient le passé. L’assassin d’aujourd’hui était l’assassin d’autrefois, et c’est pour son frère coupable que l’innocent avait payé. Puis, après que le temps eût apaisé le retentissement du drame, Pierre était revenu, il s’était fait aimer de Marguerite et avait une seconde fois détruit le bonheur du misérable qui se désespérait sous la rude férule des gardes-chiourme.

Ah mais ! tout cela allait finir !… Jean n’avait qu’un mot à dire pour renverser cet échafaudage d’infamies et se venger en une fois de toutes les tortures subies. Un mot ?… Même pas. Il n’avait qu’à se taire, à disparaître sans bruit comme il était venu. L’assassin ne pouvait échapper. Il était pris. Bientôt, il connaîtrait le bagne, lui aussi…

Et après ?…

Ce mot, Jean l’entendit, comme si un ironique contradicteur l’eût prononcé à son oreille. Oui vraiment, et après ?… Qu’arriverait-il quand Pierre et Jean seraient tous deux revêtus de la livrée des galères ? Cela rendrait-il au second son bonheur perdu. Hélas ! Marguerite l’en aimerait-elle davantage, et n’en aurait-elle pas moins aimé cet homme qui tremblait en ce moment de la plus abjecte terreur ? Car elle l’aimait, elle l’aimait de tout son être, la misérable femme. Sa voix, quand elle avait