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HIER ET DEMAIN.

s’imposa davantage à l’esprit du coupable impuni. Les années d’enfance s’évoquèrent avec une force sans cesse plus grande, et le jour vint où Pierre Morénas commença à rêver au moyen de délivrer son frère du boulet auquel lui-même l’avait rivé. Après tout, il n’était plus le gueux dépourvu de tout, qui avait quitté Sainte-Marie-des-Maures pour chercher dans le vaste monde une introuvable fortune. Maintenant le gueux était propriétaire, le premier de son village, et l’argent ne lui manquait pas. Cet argent ne pouvait-il servir à le libérer de son remords ?


V


Jean Morénas suivit des yeux M. Bernardon. Il avait peine à comprendre ce qui lui arrivait. Comment cet homme connaissait-il si bien les diverses circonstances de sa vie ?

C’était là un problème insoluble. Toutefois, qu’il comprît ou non, il fallait dans tous les cas accepter l’offre qui lui était faite. Il résolut donc de se préparer à fuir.

Avant tout, il était dans la nécessité d’instruire son compagnon du coup qu’il méditait. Aucun moyen n’existait de s’en dispenser, le lien qui les enchaînait ne pouvant être rompu par l’un sans que l’autre s’en aperçût. Peut-être Romain