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LA DESTINÉE DE JEAN MORÉNAS.

À bout de ressources, réduit au dernier degré de la misère, Pierre était alors revenu pendant la nuit à Sainte-Marie-des-Maures, dans l’intention bien arrêtée de faire main basse sur le pécule de son oncle. La résistance de la victime avait fait du voleur un assassin.

L’aubergiste terrassé, il avait procédé à un pillage en règle, puis il s’était enfui dans la nuit. De la mort de son oncle, qu’il supposait seulement évanoui, de l’arrestation et de la condamnation de son frère, il n’avait rien su. C’est donc en toute tranquillité qu’un an après son crime et voyant diminuer son butin, il revint au pays, ne doutant pas qu’après tant de temps écoulé, il n’obtint aisément son pardon. C’est à ce moment qu’il connut la mort de son oncle et de sa mère et la condamnation de son frère.

Il en fut tout d’abord accablé. La situation de son cadet, à qui, pendant vingt ans, l’avait uni une si réelle et si profonde affection, devint pour lui une source de cruels remords. Que pouvait-il, cependant, pour y remédier, sinon révéler la vérité, se dénoncer et prendre au bagne la place de l’innocent injustement condamné ?

Sous l’influence du temps, regrets et remords s’atténuèrent. L’amour fit le reste.

Mais le remords revint quand la vie conjugale eut pris son paisible cours. De jour en jour, le souvenir du forçat innocent