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LA DESTINÉE DE JEAN MORÉNAS.

large bande rouge. Aux condamnés à temps était réservé le bonnet uniformément rouge, agrémenté d’une plaque de fer-blanc portant le numéro d’immatriculation de chaque forçat. Ce sont ces derniers que M. Bernardon examinait avec le plus d’attention.

Les uns, enchaînés deux à deux, avaient des fers de huit à vingt-deux livres. La chaîne, partant du pied de l’un des condamnés, remontait à sa ceinture où elle était fixée, et allait s’attacher à la ceinture, puis au pied de l’autre. Ces malheureux se nommaient plaisamment les Chevaliers de la Guirlande. D’autres ne portaient qu’un anneau et une demi-chaîne de neuf à dix livres, ou même un seul anneau, appelé chaussette, pesant de deux à quatre livres. Quelques galériens redoutables avaient le pied pris dans un martinet, ferrement en forme de triangle, qui, rivé à chacune de ses extrémités autour de la jambe et trempé d’une manière spéciale, résiste à tous les efforts de rupture.

M. Bernardon, interrogeant tantôt les forçats, tantôt les gardes-chiourme, parcourut les divers travaux du port. Devant lui, se déroulait un navrant tableau bien propre à émouvoir le cœur d’un philanthrope. Pourtant, en vérité, il n’avait pas l’air de le voir. Sans s’arrêter à l’ensemble de la scène, ses yeux furetaient de tous côtés, dénombrant les forçats l’un après l’autre, comme si, dans cette foule lamentable, il eût cherché