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HIER ET DEMAIN.

— C’est donc pendant les travaux qu’ils s’échappent le plus aisément ?

— Sans doute. Les couples, quoique surveillés par un garde-chiourme, ont une certaine liberté qu’exige le travail, et telle est l’habileté de ces gens-là, qu’en dépit d’une surveillance active, en moins de cinq minutes, la chaîne la plus forte est coupée. Lorsque la clavette rivée dans le boulon mobile est trop dure, ils gardent l’anneau qui leur entoure la jambe, et rompent le premier maillon de leur chaîne. Beaucoup de forçats, employés aux ateliers de serrurerie, y trouvent sans peine les outils dont ils ont besoin. Souvent la plaque en fer-blanc qui porte leur numéro leur suffit. S’ils parviennent à se procurer un ressort de montre, le canon d’alarme ne tarde pas à tonner. Enfin, ils ont mille ressources, et un condamné n’a pas vendu moins de vingt-deux de ces secrets pour se soustraire à une bastonnade.

— Mais où peuvent-ils cacher leurs instruments ?

— Partout et nulle part. Un forçat s’était taillé des fentes sous les aisselles, et glissait de petits morceaux d’acier entre chair et peau. Dernièrement, j’ai confisqué à un condamné un panier en paille, dont chaque brin renfermait des limes et des scies imperceptibles ! Rien n’est impossible, Monsieur, à des hommes qui veulent reconquérir leur liberté. »