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HIER ET DEMAIN.

sement mêlés. De cette déplorable promiscuité, il ne peut résulter qu’une corruption hideuse, et la contagion du mal exerce ses ravages parmi ces masses gangrenées.

Au moment où débute ce récit, le bagne de Toulon contenait près de quatre mille forçats. Les Directions du Port, des Constructions navales, de l’Artillerie, du Magasin général, des Constructions hydrauliques et des Bâtiments civils en occupaient trois mille, auxquels étaient réservés les travaux les plus pénibles. Ceux qui ne pouvaient trouver place dans ces cinq grandes divisions étaient employés, dans le port, au lestage, au délestage et à la remorque des navires, au transport des boues, au débarquement et à l’embarquement des munitions et des vivres. D’autres étaient infirmiers, employés spéciaux, ou condamnés à la double chaîne pour cause de tentative d’évasion.

Depuis assez longtemps, lors de la visite de M. Bernardon, on n’avait enregistré aucun incident de cette nature, et pendant plusieurs mois le canon d’alarme n’avait pas retenti dans le port de Toulon.

Ce n’est pas que l’industrieux amour de la liberté se fût affaibli dans le cœur des condamnés, mais le découragement semblait avoir alourdi leurs chaînes. Quelques gardiens, convaincus d’incurie ou de trahison, ayant été renvoyés de la chiourme, une sorte de point d’honneur rendait plus