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HIER ET DEMAIN.

« Betty ? dis-je.

— Que veux-tu, Joseph ?

— Prends garde, ça va être à nous !

— Ah ! Jésus Marie ! » s’écrie la pauvre petite.

Je ne me suis pas trompé. Un bruit sec retentit. C’est le bruit de la règle mobile qui distribue l’entrée du vent dans le sommier auquel aboutit le jeu des voix enfantines. Une mélodie, douce et pénétrante, s’envole sous les voûtes de l’église, au moment où s’accomplit le divin mystère. J’entends le sol de Hoct, le la de Farina ; puis c’est le mi bémol de ma chère voisine, puis un souffle gonfla ma poitrine, un souffle doucement ménagé, qui emporte le ré dièze à travers mes lèvres. On voudrait se taire, on ne le pourrait. Je ne suis plus qu’un instrument dans la main de l’organiste. La touche qu’il possède sur son clavier, c’est comme une valve de mon cœur qui s’entr’ouvre…

Ah ! que cela est déchirant ! Non ! s’il continue ainsi, ce qui sort de nous, ce ne sera plus des notes, ce seront des cris, des cris de douleur !… Et comment peindre la torture que j’éprouve, lorsque maître Effarane plaque d’une main terrible un accord de septième diminué dans lequel j’occupais la seconde place, ut naturel, ré dièze, fa dièze, la naturel !

Et comme le cruel, l’implacable artiste le prolonge interminablement, une syncope