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sant échange de leurs idées. Quand, parfois, ils considéraient la partie comme perdue, le retour à la terre comme impossible, ils se laissaient alors aller à scruter cet avenir qui les attendait dans le monde solaire, peut-être même dans le monde sidéral. Ils se résignaient d’avance à ce sort. Ils se voyaient transportés dans une humanité nouvelle et s’inspiraient de cette large philosophie qui, repoussant l’étroite conception d’un monde fait uniquement pour l’homme, embrasse toute l’étendue d’un univers habité.

Mais, au fond, lorsqu’ils regardaient bien en eux-mêmes, ils sentaient que tout espoir ne pouvait les abandonner, et qu’ils ne renonceraient pas à revoir la terre, tant qu’elle apparaîtrait sur l’horizon de Gallia, au milieu des milliers d’étoiles du firmament. D’ailleurs, s’ils échappaient aux dangers causés par le voisinage de Jupiter, — le lieutenant Procope le leur avait souvent répété, — Gallia n’aurait plus rien à craindre, ni de Saturne, trop éloigné, ni de Mars, dont elle recouperait l’orbite en revenant vers le soleil. Aussi, quelle hâte ils avaient tous d’avoir, comme Guillaume Tell, « franchi le funeste passage ! »

Au 15 octobre, les deux astres se trouvaient l’un de l’autre au plus court intervalle qui dût les séparer, s’il ne se produisait pas de perturbations nouvelles. La distance n’était que de treize millions de lieues. Alors, ou l’influence attractive de Jupiter l’emporterait, ou Gallia continuerait à suivre son orbite sans