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tiques, bien qu’ils fussent de fidèles serviteurs, depuis longtemps au service de la famille de Vaudreuil.

Après le dîner, la soirée était belle, la température si douce que Clary vint s’asseoir sous la véranda. Le Saint-Laurent caressait les premières marches de la terrasse, en les baignant de ses eaux que l’étale de la marée immobilisait dans l’ombre. M. de Vaudreuil, Vincent Hodge, Clerc et Farran fumaient le long des balustrades. À peine échangeaient-ils quelques paroles, et toujours à voix basse.

Il était un peu plus de sept heures. La nuit commençait à obscurcir les profondeurs de la vallée. Tandis que le long crépuscule se retirait à travers les plaines de l’ouest, les étoiles s’allumaient dans la zone opposée du ciel.

Clary regardait en amont et en aval du Saint-Laurent. L’inconnu viendrait-il par la voie du fleuve ? Cela paraissait indiqué, s’il ne voulait laisser aucune trace de son passage. En effet, il était facile à une légère embarcation de se glisser le long de la rive, de filer entre les herbes et les roseaux de la berge. Une fois débarqué sur la terrasse, ce mystérieux personnage pourrait pénétrer dans la villa, sans avoir été vu, et la quitter ensuite, avant qu’aucun des gens de l’habitation eût le moindre soupçon.

Cependant, comme il était possible que le visiteur ne vînt pas par le Saint-Laurent, M. de Vaudreuil avait donné ordre d’introduire immédiatement toute personne qui se présenterait à la villa. Une lampe, allumée dans le salon, ne laissait filtrer qu’un peu de lumière à travers les rideaux des fenêtres, abritées sous le vitrage opaque de la véranda. Du dehors, on ne verrait rien de ce qui se passerait au dedans.

Pourtant, si tout était tranquille du côté du parc, il n’en était pas de même du côté du fleuve. De temps à autre apparaissaient quelques embarcations, qui s’approchaient tantôt de la rive gauche, tantôt de la rive droite. Elles s’abordaient parfois, des mots rapides étaient dits de l’une à l’autre ; puis, elles s’éloignaient en directions différentes.