Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Quel qu’il soit, répondit M. de Vaudreuil, plaise à Dieu que la pensée lui vienne bientôt de se mettre à notre tête, et nous le suivrons aussi loin qu’il voudra nous conduire !…

— Eh ! monsieur de Vaudreuil, cela pourrait bien arriver avant peu ! s’écria maître Nick.

— Vous dites ?… demanda Clary, qui revint vivement au milieu du salon.

— Je dis, mademoiselle Clary… ou, plutôt, je ne dis rien !… C’est plus sage.

— J’insiste, reprit la jeune fille. Parlez… parlez, je vous prie !… Que savez-vous ?…

— Ce que d’autres savent, sans doute, répondit maître Nick, c’est que Jean-Sans-Nom a reparu dans le comté de Montréal. Du moins, c’est un bruit qui court… malheureusement…

— Malheureusement ?… répéta Clary.

— Oui ! car si cela est, je crains que notre héros ne puisse échapper aux poursuites de la police. Aujourd’hui même, en traversant l’île Montréal, j’ai rencontré les limiers que le ministre Gilbert Argall a lancés sur la piste de Jean-Sans-Nom, et, entre autres, le chef de la maison Rip and Co…

— Quoi ?… Rip ?… fit M. de Vaudreuil.

— Lui-même, répondit le notaire. C’est un homme habile, et qui doit être alléché par une grosse prime. S’il réussit à s’emparer de Jean-Sans-Nom, la condamnation de ce jeune patriote — oui, décidément, il doit être jeune ! — sa condamnation est certaine, et le parti national comptera une victime de plus ! »

En dépit de sa maîtrise sur elle-même, Clary pâlit soudain, ses yeux se fermèrent, et c’est à peine si elle put comprimer les battements de son cœur. M. de Vaudreuil, tout pensif, allait et venait à travers le salon.

Maître Nick, voulant réparer le pénible effet produit par ses dernières paroles, ajouta :

« Après tout, c’est un homme d’une audace peu commune, cet