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de la manière dont elle lui était faite. La veille, il avait vu ses amis à Montréal, chez l’un d’eux, et l’on s’était séparé sans prendre de rendez-vous pour le lendemain. Vincent Hodge, Farran, Clerc, avaient-ils donc reçu une lettre de même provenance, qui leur donnait rendez-vous à la villa Montcalm ? Cela devait être ; mais on pouvait craindre qu’il y eût là-dessous quelque machination de police. Cette méfiance ne s’expliquait que trop depuis l’affaire Simon Morgaz.

Quoiqu’il en soit, M. de Vaudreuil n’avait qu’à attendre. Lorsque Vincent Hodge, Farran et Clerc seraient arrivés à la villa, — s’ils y venaient, — ils lui expliqueraient sans doute ce qu’il y avait d’inexplicable dans ce singulier rendez-vous. Ce fut l’avis de Clary, lorsqu’elle eut pris connaissance de la lettre. Les yeux attachés sur cette mystérieuse écriture, elle l’examinait attentivement. Étrange disposition de son esprit. Là où son père pressentait un piège tendu à ses amis politiques et à lui, elle semblait, au contraire, croire à quelque intervention puissante dans la cause nationale. Allait-elle se montrer enfin, la main qui saisirait les fils d’un nouveau soulèvement, qui le dirigerait et le mènerait au but.

« Mon père, dit-elle, j’ai confiance ! » Cependant, comme le rendez-vous n’était indiqué que pour le soir, M. de Vaudreuil voulut préalablement se rendre à Laval. Peut-être y apprendrait-il quelque nouvelle qui eût motivé l’urgence de la conférence projetée. Il se trouverait là, d’ailleurs, pour recevoir Vincent Hodge et ses deux amis, lorsqu’ils débarqueraient à l’appontement de l’île Jésus. Mais, au moment où il allait donner l’ordre d’atteler, son domestique vint le prévenir qu’un visiteur venait d’arriver à la villa Montcalm.

« Quelle est cette personne ? demanda vivement M. de Vaudreuil.

— Voici sa carte, » répondit le domestique.

M. de Vaudreuil prit la carte, lut le nom qu’elle portait, et s’écria aussitôt :

« Cet excellent maître Nick ?… Il est toujours le bienvenu !… Faites entrer ! »