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fut jeté par Tom vers le bas et le haut de la rue ; puis, il monta sur son siège, rassembla ses rênes, siffla ses bêtes, et la bruyante machine s’ébranla, au moment où quelques passants qui connaissaient Nick — et qui ne le connaissait pas, l’excellent homme ! — lui adressèrent leur souhait de bon voyage, auquel il répondit par un petit salut de la main.

Le stage remonta vers les hauts quartiers, en gagnant dans la direction du Mont-Royal. Le notaire regardait à droite, à gauche, avec autant d’attention que le conducteur — bien que ce fût pour un motif différent. Mais il semblait que personne, ce matin-là, n’eût besoin de se faire transporter au nord de l’île ni de donner la réplique à maître Nick. Non ! pas un compagnon de voyage, et, pourtant, la voiture avait atteint la promenade circulaire, encore déserte à cette heure, où elle s’engagea au petit trot de son attelage.

En ce moment, un individu s’avança vers le stage et fit signe au conducteur d’arrêter ses chevaux.

« Vous avez une place ? demanda-t-il.

— Une et « tret » avec ! répondit Tom, qui, suivant la coutume, imprima à cette syllabe la prononciation canadienne, comme il aurait dit : « il fait fret » pour il fait froid.

Le voyageur prit place sur le banc devant Lionel, après avoir salué maître Nick et son clerc. Le stage repartit au petit trot, et quelques minutes plus tard, au tournant du Mont-Royal, disparurent les toits en tôle étamée des maisons de la ville, qui resplendissaient au soleil comme autant de miroirs argentés.

Le notaire n’avait pas vu sans une vive satisfaction le nouveau venu s’installer dans le stage. On pourrait au moins causer pendant les quatre lieues qui séparent Montréal de la branche supérieure du Saint-Laurent. Mais il ne semblait pas que le voyageur fût d’humeur à s’engager dans les réparties d’une conversation de circonstance. Il avait tout d’abord regardé maître Nick et Lionel. Puis, après s’être accoté dans son coin, les yeux à demi-fermés, il parut se livrer tout entier à ses réflexions.