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Bridget et Joann, l’un après l’autre, gardaient toujours la même immobilité. Quand à Simon Morgaz, il n’était plus là.

Pourquoi avait-il quitté l’endroit où reposaient sa femme et ses fils ?…

Jean, pris d’un affreux pressentiment, allait s’élancer hors de la caverne, lorsqu’une détonation retentit.

Bridget et Joann se redressèrent brusquement. Tous deux avaient entendu le coup de feu, qui avait été tiré à très courte distance.

Bridget jeta un cri d’épouvante, elle se releva, et, traînée par ses fils, sortit de la caverne.

Bridget, Joann et Jean n’avaient pas fait vingt pas qu’ils apercevaient un corps étendu sur la neige.

C’était le corps de Simon Morgaz. Le misérable venait de se tirer un coup de pistolet dans le cœur.

Il était mort.

Joann et Jean reculèrent, atterrés. Le passé se dressait devant eux ! Était-il donc vrai que leur père fût coupable ? Ou bien, dans une crise de désespoir, avait-il voulu en finir avec cette existence, trop dure à supporter ?…

Bridget s’était jetée sur le corps de son mari. Elle le serrait dans ses bras… Elle ne voulait pas croire à l’infamie de l’homme dont elle portait le nom.

Joann releva sa mère et la ramena dans la caverne, où son frère et lui revinrent déposer le cadavre de leur père à la place qu’il occupait quelques heures avant.

Un portefeuille était tombé de sa poche. Joann le ramassa, et lorsqu’il l’ouvrit, un paquet de bank-notes s’en échappa.

C’était le prix auquel Simon Morgaz avait livré les chefs de la conspiration de Chambly !… La mère et les deux fils ne pouvaient plus douter maintenant !

Joann et Jean s’agenouillèrent près de Bridget.

Et maintenant, devant le cadavre du traître qui s’était fait justice, il n’y avait plus qu’une famille flétrie, dont le nom allait disparaître avec celui qui l’avait déshonoré !