Il ne restait plus que le petit bateau à vapeur Caroline, déjà encombré de fugitifs, qui se disposait à traverser le bras du Niagara.
Soudain Jean apparut, couvert de sang — du sang des royaux, — sain et sauf, après avoir en vain cherché la mort, après l’avoir vingt fois donnée.
Clary s’élança vers lui.
« Mon père ?… dit-elle.
— Mort ! »
Jean lui répondit ainsi, sans ménagements : il fallait que Clary consentît à quitter l’île ?
Jean la reçut dans ses bras, inanimée, au moment où les volontaires tournaient la maison pour s’opposer à sa fuite. Bondissant avec son fardeau, il courut vers la Caroline, il y déposa la jeune fille ; puis, se relevant :
« Adieu, Clary ! » dit-il.
Et il mit le pied sur le plat-bord du bateau pour s’élancer sur la berge.
Avant qu’il eût sauté à terre, Jean frappé de deux balles, fut renversé sur le pont, à l’arrière, tandis que la Caroline s’éloignait à toute vapeur.
Cependant, à la lueur des coups de feu, Jean avait été reconnu des volontaires qui l’avaient poursuivi à travers l’île, et ces cris retentirent :
« Tué, Jean-Sans-Nom !… Tué ! »
À ces cris, Clary reprit connaissance et se releva.
« Mort !… » murmura-t-elle en se traînant vers lui.
Quelques minutes plus tard, la Caroline était amarrée au quai de Schlosser. Là, les fugitifs, qui se trouvaient à bord, pouvaient se croire en sûreté, sous la protection des autorités fédérales.
Quelques-uns débarquèrent aussitôt ; mais, comme l’unique auberge du village fut bientôt remplie et qu’il fallait faire trois milles pour atteindre les hôtels de Niagara-Falls en descendant la rive