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Soumettez-vous à la honte de voir un Morgaz combattre à vos côtés, et allons mourir pour la cause franco-canadienne ! »

À ces paroles répondit un tonnerre d’acclamations. Toutes les mains se tendirent vers Jean. Cette fois encore, il refusa de les toucher de la sienne.

« Adieu, Clary de Vaudreuil ! dit-il.

— Adieu, Jean ! répondit la jeune fille.

— Oui, et pour la dernière fois ! »

Cela dit, précédant M. de Vaudreuil, ses compagnons, tous ceux qui voulaient comme lui marcher à la mort, il s’élança vers la rive gauche de l’île.


XIII
nuit du 20 décembre.


Trois heures du soir sonnaient, en ce moment, au clocher de la petite église de Schlosser. Une brume grisâtre et glaciale emplissait l’humide vallée du Niagara. Il faisait un froid très sec. Le ciel était couvert de nuages immobiles, que le moindre relèvement de la température eût condensés en neige sous l’influence des vents d’est.

Le ronflement des canons de Chippewa déchirait l’air. Dans l’intervalle des détonations, on entendait distinctement le mugissement lointain des cataractes.

Un quart d’heure après avoir quitté la maison de M. de Vaudreuil, les patriotes, cheminant entre les massifs d’arbres, se défilant le long des haies et des clôtures, étaient arrivés sur le bras gauche de la rivière.