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— Partez donc, dit M. de Vaudreuil, mais dans le plus grand secret. Il importe que les espions du camp de Chippewa ne sachent rien de votre départ ! »

L’expédition décidée, il ne fut pas difficile de réunir les cent hommes qui devaient y prendre part. Pour arracher Jean-Sans-Nom à la mort, tous les patriotes se fussent offerts. Le détachement, commandé par Vincent Hodge, passa sur la rive droite du Niagara, à Schlosser, et, prenant l’oblique à travers les territoires américains, il arriva vers trois heures du matin sur la rive droite du Saint-Laurent, dont il était aisé de franchir la surface glacée. Le fort Frontenac n’était pas à plus de cinq lieues dans le nord. Avant le jour, Vincent Hodge pouvait avoir surpris la garnison et délivré le condamné.

Mais il avait été précédé par un exprès à cheval, directement envoyé de Chippewa. Les troupes, qui surveillaient la frontière, occupaient toute la rive gauche du fleuve.

Il fallut renoncer à tenter le passage. Le détachement eût été écrasé. Les cavaliers royaux lui auraient coupé la retraite. Pas un ne fût revenu à l’île Navy.

Vincent Hodge et ses compagnons durent reprendre le chemin de Schlosser.

Ainsi, le coup de main, projeté contre le fort Frontenac, avait été signalé au camp de Chippewa ?

Que les préparatifs, nécessités par le rassemblement d’une centaine d’hommes, n’eussent pu être tenus absolument secrets, cela était probable. Mais comment le colonel Mac Nab en avait-il eu connaissance ? Se trouvait-il donc parmi les patriotes, un espion ou des espions en mesure de correspondre avec le camp de Chippewa ? On avait déjà eu le soupçon que les Anglais devaient être instruits de tout ce qui se faisait sur l’île. Cette fois, le doute n’était plus permis, puisque les troupes, cantonnées sur la limite du Canada, avaient été avisées assez à temps pour empêcher Vincent Hodge de la franchir.

Du reste, la tentative, organisée par M. de Vaudreuil, n’aurait pu