Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un des témoins à charge, le sieur Turner, de Chambly, déclara que, plusieurs fois, l’avocat avait été vu conférant avec le chef de la maison Rip and Co. Ce fut là comme un éclair de révélation. Walter Hodge et Vaudreuil qui, depuis un certain temps, avaient eu des soupçons motivés par les allures singulières de Simon Morgaz, les virent confirmés par la déclaration du témoin Turner. Pour que la conspiration, si secrètement organisée, eût été si facilement découverte, il fallait qu’un traître en eût dénoncé les auteurs. Rip fut pressé de questions, auxquelles il ne put répondre sans embarras. À son tour, Simon Morgaz essaya de se défendre ; mais il se lança dans de telles invraisemblances, il donna des explications si singulières, que l’opinion des conjurés et aussi celle des juges fut bientôt faite à ce sujet. Un misérable avait trahi ses complices, et le traître, c’était Simon Morgaz.

Alors un irrésistible mouvement de répulsion se produisit sur le banc des accusés, et se propagea parmi le public, qui se pressait dans le prétoire.

« Président de la cour, dit Walter Hodge, nous demandons que Simon Morgaz soit chassé de ce banc, honoré par notre présence, déshonoré par la sienne !… Nous ne voulons pas être souillés plus longtemps du contact de cet homme ! »

Vaudreuil, Clerc, Farran, tous se joignirent à Walter Hodge, qui, ne se possédant plus, s’était précipité sur Simon Morgaz, auquel il fallut que les gardes vinssent en aide.

L’assistance prit violemment parti contre le traître et exigea que l’on fît droit aux réclamations des accusés. Le président de la cour dut donner l’ordre d’emmener Simon Morgaz et de le reconduire à la prison. Les huées qui l’accompagnèrent, les menaces dont il fut l’objet, démontrèrent qu’on le tenait pour un infâme, dont la trahison allait coûter la vie aux plus ardents apôtres de l’indépendance canadienne.

Et, en effet, Walter Hodge, François Clerc, Robert Farran, considérés comme les chefs principaux de la conspiration de Chambly, furent condamnés à mort. Le surlendemain, 27 septembre, après