Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par Rip du résultat de ses démarches, lui recommanda d’agir adroitement sur Simon Morgaz que l’on savait aux prises avec de grosses difficultés pécuniaires. Et, un jour, Rip mit brusquement le malheureux entre ces deux alternatives : ou d’être poursuivi pour crime de haute trahison, ou de recevoir l’énorme somme de cent mille piastres, s’il consentait à livrer le nom de ses complices et les détails du complot de Chambly.

L’avocat fut atterré !… Trahir ses compagnons !… Les vendre à prix d’or !… Les livrer à l’échafaud !… Et, cependant, il succomba, il accepta le prix de sa trahison, il dévoila les secrets de la conspiration, après avoir reçu la promesse que son marché infâme ne serait jamais divulgué. Il fut de plus convenu que les agents l’arrêteraient en même temps que Walter Hodge et ses amis, qu’il serait jugé par les mêmes juges, que la condamnation qui les frapperait — et ce ne pouvait être qu’une condamnation capitale — le frapperait aussi. Puis, une évasion lui permettrait de s’enfuir avant l’exécution du jugement.

Cette abominable machination resterait donc entre le ministre de la police, le chef de la maison Rip and Co et Simon Morgaz.

Les choses se passèrent ainsi qu’il avait été convenu. Au jour indiqué par le traître, les conspirateurs furent surpris inopinément dans la maison de Chambly. Walter Hodge, Robert Farran, François Clerc, Vaudreuil, quelques-uns de leurs complices ainsi que Simon Morgaz, comparurent à la date du 25 septembre 1825 sur le banc de la cour de justice.

Aux accusations que porta contre eux l’avocat de la Couronne — le juge-avocat, ainsi qu’on l’appelait alors — les accusés ne répondirent que par de justes et directes attaques contre le cabinet britannique. Aux arguments légaux, ils ne voulurent opposer que des arguments tirés du plus pur patriotisme. Ne savaient-ils pas qu’ils étaient condamnés d’avance, que rien ne pouvait les sauver ?

Les débats duraient déjà depuis quelques heures, et l’affaire suivait régulièrement son cours, lorsqu’un incident d’audience vint mettre en lumière la conduite de Simon Morgaz.