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rateurs s’y trouvaient rassemblés. Ils n’eurent pas le temps de détruire leur correspondance secrète, de brûler les listes de leurs affidés. Les agents saisirent aussi les armes cachées dans les caves de la maison. Le complot était découvert. Furent arrêtés et conduits à la prison de Montréal sous bonne escorte, Walter Hodge, Robert Farran, François Clerc, Simon Morgaz, Vaudreuil, et une dizaine d’autres patriotes.

Voici ce qui s’était passé.

Il y avait alors à Québec un certain Rip, anglo-canadien d’origine, qui dirigeait une maison de renseignements et d’enquêtes à l’usage des particuliers, et dont le gouvernement avait maintes fois utilisé, non sans profit, les qualités spéciales. Son officine privée fonctionnait sous la raison sociale : Rip and Co. Une affaire de police n’était pour lui qu’une affaire d’argent, et il la passait sur ses livres comme un négociant, traitant même à forfait — tant pour une perquisition, tant pour une arrestation, tant pour un espionnage. C’était un homme très fin, très délié, très audacieux aussi, avec quelque entregent, ayant la main ou, pour mieux dire, le nez dans bien des affaires particulières, absolument dépourvu de scrupules, d’ailleurs, et n’ayant pas l’ombre de sens moral.

En 1825, Rip, qui venait de fonder son agence, était âgé de trente-trois ans. Déjà sa physionomie très mobile, son habileté aux déguisements, lui avaient permis d’intervenir en mainte circonstance sous des noms différents. Depuis quelques années, il connaissait Simon Morgaz, avec lequel il avait été en relation à propos de causes judiciaires. Certaines particularités, qui eussent paru insignifiantes à tout autre, lui donnèrent à penser que l’avocat de Montréal devait être affilié à la conspiration de Chambly.

Il le serra de près, il l’épia jusque dans les secrets de sa vie privée, il fréquenta sa maison, bien que Bridget Morgaz ne dissimulât point l’antipathie qu’il lui inspirait.

Une lettre, saisie au post-office, démontra bientôt la complicité de l’avocat avec une quasi-certitude. Le ministre de la police, informé