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rait suivant les formes militaires, et que l’échafaud politique ne tarderait pas à faire de nouvelles victimes.

Ces faits étaient graves. Aux mesures décrétées contre eux, les Fils de la Liberté répondraient-ils par une dernière prise d’armes ? Ne se décourageraient-ils pas, au contraire, devant cette impitoyable répression ? C’était l’avis de maître Nick. Il savait que les insurrections, lorsqu’elles ne réussissent pas dès le début, ont peu de chances de réussir ensuite.

Il est vrai, ce n’était pas l’avis des guerriers mahoganniens, ni celui de Lionel.

« Non ! répétait-il au notaire, non ! La cause n’est pas perdue, et tant que Jean-Sans-Nom vivra, ne désespérons point de reconquérir notre indépendance ! »

Dans la journée du 7, un incident se produisit, qui allait replacer maître Nick aux prises avec des difficultés, dont il se croyait à peu près sorti, en surexcitant jusqu’au paroxysme les instincts belliqueux des Hurons.

Depuis quelques jours, on avait signalé dans les diverses paroisses du territoire la présence de l’abbé Joann. Le jeune prêtre parcourait le comté de Laprairie, prêchant la levée en masse de la population franco-canadienne. Ses discours enflammés luttaient, non sans peine, contre le découragement dont quelques-uns des patriotes étaient atteints depuis la défaite de Saint-Charles. Mais l’abbé Joann ne s’abandonnait pas. Il allait droit son chemin, il adjurait ses concitoyens d’être prêts à reprendre les armes, dès que leurs chefs reparaîtraient dans le district.

Son frère, cependant, n’était plus là. Il ne savait ce qu’il était devenu. Avant de reprendre le cours de ses prédications, il s’était rendu à Maison-Close, pour embrasser sa mère, pour avoir des nouvelles de Jean…

Maison-Close ne s’était point ouverte devant lui.

Joann s’était mis à la recherche de son frère. Lui aussi ne pouvait croire qu’il eût succombé, car la nouvelle de sa mort aurait eu un