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déclarer que l’heure était venue de déterrer le tomahawk et de le brandir sur les sentiers de la guerre !

À partir de ce jour, l’unique souci de maître Nick fut de calmer ses belliqueux sujets. Lorsque ceux-ci accouraient pour le haranguer, afin qu’il se déclarât contre les oppresseurs, il s’ingéniait à ne répondre ni oui ni non. Il convenait, disait-il, de ne point agir sans mûres réflexions, de voir quelles seraient les conséquences de la défaite de Saint-Charles… Peut-être les comtés étaient-ils déjà envahis par les royaux ?… Et puis, on ne savait rien de ce que préparaient les réformistes, actuellement dispersés… En quel endroit s’étaient-ils réfugiés ?… Où les rejoindre ?… N’avaient-ils point abandonné la partie, en attendant une meilleure occasion de la reprendre ?… Les principaux chefs n’étaient-ils pas au pouvoir des bureaucrates et détenus dans les prisons de Montréal ?…

C’étaient là d’assez bonnes raisons que maître Nick donnait à ses impatients prétoriens. Ceux-ci, il est vrai, ne les admettaient pas sans conteste. La colère les emporterait un jour ou l’autre, et leur chef serait tout naturellement forcé de les suivre. Peut-être eut-il l’idée de fausser compagnie à sa tribu. En vérité, c’était difficile, et on le surveillait plus qu’il ne l’imaginait.

Et puis, en quel pays aurait-il mené sa vie errante ? Cela lui répugnait de quitter le Canada, son pays d’origine. Quant à se cacher en quelque village des comtés, où, très certainement, les agents de Gilbert Argall devaient être en éveil, c’eût été risquer de tomber entre leurs mains.

D’ailleurs, maître Nick ignorait ce qu’étaient devenus les principaux chefs de l’insurrection. Bien que quelques Mahogannis eussent remonté jusqu’aux rives du Richelieu et du Saint-Laurent, ils n’avaient pu se renseigner à ce sujet. Même à la ferme de Chipogan, Catherine Harcher ne savait rien de ce qui concernait Thomas et ses fils, rien de M. et de Mlle de Vaudreuil, rien de Jean-Sans-Nom, rien de ce qui s’était passé à Maison-Close, après l’affaire de Saint-Charles.

Il fallait donc laisser aller les choses, et cela n’était point pour