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Bridget, épouvantée, le reconnut.

« Eh ! s’écria Rip, très surpris, c’est madame Bridget !… C’est la femme de ce brave Simon Morgaz ! »

En entendant le nom de son père, Jean recula jusqu’au fond de la chambre.

Bridget, foudroyée par cette effroyable révélation, n’avait pas la force de répondre.

« Eh oui !… madame Morgaz ! reprit Rip. En vérité, je vous croyais morte !… Qui se serait attendu à vous retrouver dans cette bourgade, après douze ans ! »

Bridget se taisait toujours.

« Allons, mes amis, ajouta Rip, en se retournant vers ses hommes, rien à faire ici ! Une brave femme, Bridget Morgaz !… Ce n’est pas elle qui cacherait un rebelle !… Venez et continuons nos recherches ! Puisque Jean-Sans-Nom est à Saint-Charles, ni Dieu ni diable ne nous empêcheront de le prendre ! »

Et Rip, suivi de son escouade, eut bientôt disparu par le haut de la route.

Mais le secret de Bridget et de son fils était maintenant dévoilé. Si M. de Vaudreuil n’avait rien pu entendre, Clary n’avait pas perdu une seule des paroles de Rip.

Jean-Sans-Nom était le fils de Simon Morgaz !

Et, dans un premier mouvement d’horreur, Clary, s’enfuyant de la chambre de Bridget, comme affolée, se réfugia dans celle de son père.

Jean et Bridget étaient seuls.

Maintenant, Clary savait tout.

À la pensée de se retrouver devant elle, devant M. de Vaudreuil, devant l’ami de ces patriotes dont la trahison de Simon Morgaz avait fait tomber les têtes, Jean crut qu’il allait devenir fou.

« Ma mère, s’écria-t-il, je ne resterai pas un instant ici !… M. et Mlle de Vaudreuil n’ont plus besoin de moi pour les défendre !… Ils seront en sûreté dans la maison d’un Morgaz !… Adieu…