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De Maison-Close, on entendait la sonnerie des clairons qui se rapprochait.

Cette sonnerie se tut enfin. Les troupes étaient arrivées à l’extrémité de la bourgade.

Bridget dit alors :

« Tout n’est pas perdu. La route est libre du côté de Laprairie. La nuit venue, il se peut qu’elle le soit encore. Nous ne devons rien changer à nos projets. Ma maison n’est pas de celles qui attireront les pillards. Elle est isolée, et il est possible qu’elle échappe à leur visite ! »

On pouvait l’espérer.

Oui ! bien d’autres habitations ne manquaient pas, où les excès des soldats de sir John Colborne trouveraient à s’exercer avec plus de profit. Et puis, en ces premiers jours de décembre, la nuit ne tarderait pas à venir, et, il ne serait peut-être pas impossible de quitter Maison-Close, sans éveiller l’attention.

Les préparatifs de départ ne furent donc pas suspendus. Il s’agissait d’être en mesure pour le moment où la charrette se présenterait devant la porte. Que la route fût libre pendant une heure, et, à trois milles de là, si l’état de M. de Vaudreuil l’exigeait, les fugitifs iraient demander asile dans l’une des fermes du comté.

La nuit arriva sans nouvelle alerte. Quelques détachements de volontaires, qui s’étaient portés jusqu’au bas de la grande route, étaient revenus sur leurs pas. Maison-Close ne semblait point avoir attiré leurs regards. Quant au gros de la colonne, il était cantonné aux alentours du camp de Saint-Charles. Il se faisait là un assourdissant tumulte, qui ne présageait rien de bon pour la sécurité des habitants.

Vers les six heures, Bridget voulut que Jean et Clary prissent leur part du dîner qu’elle venait de préparer. M. de Vaudreuil mangea à peine. Surexcité par les dangers de la situation, par la nécessité d’y faire face, il attendait impatiemment le moment de se mettre en route.