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de réaction avait modifié son état. Malgré sa faiblesse, très grande encore, il était prêt à se lever, prêt à se rendre de son lit à la route, lorsque le moment serait venu de quitter Maison-Close. Il répondait de lui, — au moins pour quelques heures. Après, il en serait ce qu’il plairait à Dieu. Mais, peu importait, s’il avait pu revoir ses compagnons, s’il avait assuré la sécurité de sa fille, si Jean-Sans-Nom était au milieu des Franco-Canadiens, résolus à une lutte suprême.

Oui, ce départ s’imposait. En effet, si M. de Vaudreuil ne devait pas survivre à ses blessures, que deviendrait sa fille à Maison-Close, seule au monde, n’ayant plus que cette vieille femme pour appui ? Sur la frontière, à Swanton, à Plattsburg, il retrouverait ses frères d’armes, ses amis les plus dévoués. Et, parmi eux, il en était un dont M. de Vaudreuil approuvait les sentiments. Il savait que Vincent Hodge aimait Clary, et Clary ne refuserait pas de devenir la femme de celui qui venait de risquer sa vie pour la sauver. À quel plus généreux, à quel plus ardent patriote eût-elle pu confier son avenir ? Il était digne d’elle, elle était digne de lui.

Dieu aidant, M. de Vaudreuil aurait la force d’atteindre son but. Il ne succomberait pas avant d’avoir mis le pied sur le territoire américain, où les survivants du parti réformiste attendaient le moment de reprendre les armes.

Telles étaient les pensées qui surexcitaient M. de Vaudreuil, tandis que Jean et Clary, assis à son chevet, n’échangeaient que de rares paroles.

Entre temps, Jean se levait, s’approchait de celle des fenêtres qui s’ouvrait sur la route et dont les volets étaient fermés. De là, il écoutait si quelque bruit ne troublait pas la route aux environs de la bourgade.

Bridget revint à Maison-Close après une absence de deux heures. Elle avait dû s’adresser à plusieurs habitants pour l’acquisition d’une voiture et d’un cheval. Ainsi que cela était convenu, elle n’avait point dissimulé son intention de quitter Saint-Charles, — ce dont personne