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— Où irez-vous Jean ? demanda M. de Vaudreuil.

— À Saint-Denis, d’abord. Là, j’espère retrouver les principaux chefs avec lesquels nous avions repoussé si heureusement les soldats de Gore…

— Pars donc, Jean ! dit Bridget en jetant sur son fils un regard pénétrant. Oui, pars !… Ta place n’est pas ici !… Elle est là-bas, au premier rang…

— Oui, Jean, partez ! reprit Clary. Il faut rejoindre vos compagnons, reparaître à leur tête !… Que les loyalistes sachent bien que Jean-Sans-Nom n’est pas mort… »

Clary n’en put dire davantage.

M. de Vaudreuil, à demi soulevé, prit la main de Jean, et, lui aussi, répéta :

« Partez, Jean ! Laissez-moi aux soins de votre mère et de ma fille ! Si vous revoyez mes amis, dites-leur qu’ils me retrouveront parmi eux, dès que j’aurai la force de quitter cette demeure ! — Mais, ajouta-t-il d’une voix qui indiquait son extrême faiblesse, si vous pouvez nous tenir au courant de ce qui se prépare… s’il vous est possible de revenir à Maison-Close ! Ah Jean !… J’ai tant besoin de savoir… ce que sont devenus tous ceux qui me sont chers… et que je ne reverrai jamais peut-être !

— Vous le saurez, monsieur de Vaudreuil, répondit Jean. Reposez-vous maintenant !… Oubliez… jusqu’au moment où il faudra combattre ! »

En effet, dans l’état où se trouvait le blessé, il importait que toute émotion lui fût épargnée. Il venait de s’assoupir, et cet assoupissement se prolongea jusqu’au milieu de la nuit. Aussi son sommeil durait-il encore, lorsque Jean quitta Maison-Close vers onze heures du soir, après avoir dit adieu à Clary, après avoir embrassé sa mère, dont l’énergie ne se démentit pas au moment où elle se sépara de son fils.

Au reste, les circonstances n’étaient plus les mêmes que deux jours avant, alors que Bridget empêchait Jean de se rendre à