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Vers le matin de ce jour, — 26 novembre, — M. de Vaudreuil reprit quelque peu connaissance. La voix de sa fille l’avait réveillé de sa torpeur. Il ouvrit les yeux.

« Clary !… murmura-t-il.

— Mon père… c’est moi ! répondit Clary. Je suis ici, avec vous !… Je ne vous quitterai plus ! »

Jean se tenait au pied du lit, dans l’ombre, comme s’il eût cherché à ne point être vu. Le regard du blessé s’arrêta sur lui, et ses lèvres laissèrent échapper ces mots :

« Jean !… Ah !… je me souviens !… »

Puis, apercevant Bridget qui se penchait à son chevet, il sembla demander quelle était cette femme.

« C’est ma mère, répondit Jean. Vous êtes dans la maison de ma mère, monsieur de Vaudreuil… Ses soins et ceux de votre fille ne vous manqueront pas…

— Leurs soins !… répéta M. de Vaudreuil d’une voix faible. Oui… le souvenir me revient !… Blessé… vaincu !… Mes compagnons en fuite… morts, qui sait ?… Ah ! mon pauvre pays… mon pauvre pays… plus asservi que jamais ! »

M. de Vaudreuil laissa retomber sa tête, et ses yeux se refermèrent.

« Mon père ! » s’écria Clary en s’agenouillant.

Elle lui avait pris la main, elle sentait une légère pression répondre à la sienne.

Jean dit alors :

« Il serait nécessaire qu’un médecin vînt à Maison-Close. Où en trouver ? À qui s’adresser dans la campagne occupée par les royaux ?… À Montréal ?… Oui, là seulement ce serait possible ! Indiquez-moi le médecin dans lequel vous avez confiance, et j’irai à Montréal…

— À Montréal ?… répondit Bridget.

— Il le faut, ma mère ! La vie de M. de Vaudreuil vaut que je risque la mienne…