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fuite. Et pourtant, elle ne voulait pas désespérer de la cause de l’indépendance, pour laquelle son père venait d’être frappé mortellement.

Puis, dès que le chemin était libre, Bridget et elle se remettaient en marche. Pendant une heure et demie, elles allèrent dans ces conditions. À mesure qu’elles se rapprochaient de la bourgade, les retards étaient moins fréquents, parce que la route était moins encombrée. Tout ce qui avait pu s’échapper était loin déjà, du côté de Saint-Denis, ou dispersé entre les comtés de Verchères et de Saint-Hyacinthe. Ce qu’il fallait éviter dans le voisinage de Saint-Charles, c’était la rencontre des détachements de volontaires.

Aussi, à trois heures du matin, restait-il encore deux milles à faire pour atteindre Maison-Close.

À ce moment, Bridget tomba, épuisée. Clary voulut la relever.

« Laissez-moi vous aider, lui dit-elle. Appuyez-vous sur moi… Nous ne pouvons être loin…

— Encore une heure de marche, répondit Bridget, et je ne pourrai jamais…

— Reposez-vous un instant. Après, nous repartirons !… Vous prendrez mon bras !… Ne craignez pas de me fatiguer !… Je suis forte…

— Forte !… Pauvre enfant… vous tomberiez bientôt à votre tour ! »

Bridget s’était remise sur les genoux.

« Écoutez-moi, dit-elle, j’essaierai de faire quelques pas… Mais, si je tombe, vous me laisserez seule…

— Vous laisser seule ?… s’écria Clary.

— Oui ! ce qu’il faut c’est que vous soyez cette nuit même auprès de votre père… La route est directe… Maison-Close, c’est la première maison qui se trouve à gauche, en avant de la bourgade… Vous frapperez à la porte… Vous direz votre nom… Aussitôt Jean vous ouvrira…