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Et pourtant le blessé respirait si faiblement, il avait perdu une telle quantité de sang, qu’il pouvait mourir dans une syncope.

Ayant d’abord lavé la blessure à l’eau froide, Bridget en rapprocha les lèvres et la recouvrit de compresses. M. de Vaudreuil se ranimerait-il sous l’influence des pansements réitérés que lui ferait Bridget, et du repos dont il était assuré à Maison-Close, si les soldats de Witherall quittaient la bourgade ? Jean et sa mère n’osaient l’espérer.

Deux heures après son arrivée, bien qu’il n’eût pas encore ouvert les yeux, M. de Vaudreuil laissa échapper quelques paroles. Évidemment il ne se rattachait plus à la vie que par le souvenir de sa fille. Il l’appelait, — peut-être pour réclamer ses soins, peut-être aussi parce qu’il songeait aux périls qui la menaçaient maintenant à Saint-Denis…

Bridget, lui tenant la main, l’écoutait. Jean, debout, cherchait à empêcher sa blessure de se rouvrir dans quelque brusque mouvement. Lui aussi, il essayait de saisir ses paroles, entrecoupées de soupirs. M. de Vaudreuil allait-il dire ce que Bridget ne devait pas entendre ?…

Et alors un nom fut prononcé au milieu de ces phrases incohérentes.

C’était le nom de Clary.

« Ce malheureux a donc une fille ? murmura Bridget, en regardant son fils.

— Sans doute… ma mère !

— Et il la demande !… Il ne veut pas mourir sans l’avoir revue !… Si sa fille était près de lui, il serait plus tranquille !… Où est-elle en ce moment ?… Ne pourrais-je essayer de la retrouver… de l’amener ici… en secret ?

— Elle !… s’écria Jean.

— Oui !… Sa place est près de son père qui l’appelle et qui se meurt ? »

À cet instant, dans un accès de délire, le blessé voulu se redresser sur son lit.