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Harcher, étendu dans une mare de sang, la poitrine trouée d’un biscaïen. Lorsque ses frères le relevèrent pour le transporter derrière la maison, ce n’était plus qu’un cadavre. André Farran, l’épaule fracassée, s’y trouvait déjà. M. de Vaudreuil et Vincent Hodge, après l’avoir mis à l’abri de la mousqueterie, étaient revenus prendre leur poste de combat.

Mais, bientôt, il allait être nécessaire d’évacuer ce dernier refuge. Les abatis, détruits par les boulets, laissaient libre l’accès du camp. Le lieutenant-colonel Witherall, ayant donné l’ordre de charger les assiégés à la baïonnette. Ce fut « une véritable boucherie », disent les récits de ce sanglant épisode de l’insurrection franco-canadienne.

Là périrent de vaillants patriotes, qui, leurs munitions épuisées, ne se battaient plus qu’à coups de crosse. Là furent tués les deux Hébert, moins heureux que A. Papineau, Amiot et Marchessault, qui parvinrent à se frayer passage au milieu des assaillants, après une résistance héroïque. Là tombèrent d’autres partisans de la cause nationale, dont le nombre ne fut jamais connu, car la rivière entraîna nombre de cadavres.

Parmi les personnages qui sont plus étroitement liés à cette histoire, on compta aussi quelques victimes. Si Jean-Sans-Nom s’était battu comme un lion, toujours en tête des siens, toujours en avant dans la mêlée, ouvertement, cette fois, connu de ceux qui étaient avec lui et contre lui, si ce fut miracle qu’il s’en réchappât sans une blessure, d’autres avaient été moins heureux. Après Rémy, ses deux frères, Michel et Jacques, atteints par la mitraille et grièvement blessés, avaient été emportés par Thomas et Pierre Harcher hors du camp et soustraits aux massacres atroces qui suivirent la victoire des royaux.

William Clerc et Vincent Hodge, eux non plus, ne s’étaient pas épargnés. Vingt fois, on les avait vus se jeter au milieu des assiégeants, fusil et pistolet à la main. Au plus fort du combat, ils avaient suivi Jean-Sans-Nom jusqu’à la batterie établie au sommet de la colline. Et, à ce moment, Jean aurait été tué, si Vincent Hodge n’eût