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L’habitation de Bridget était ainsi moins menacée que les habitations voisines, pour le cas où le camp serait attaqué et forcé par les troupes royales.

Bridget, restée seule, attendait, prête à recevoir ses fils, si les circonstances les obligeaient à venir lui demander asile. Mais l’abbé Joann visitait alors les paroisses du haut Canada, prêchant l’insurrection, et Jean, ne se cachant plus, avait reparu à la tête des patriotes. Son nom courait maintenant à travers les comtés du Saint-Laurent. Si fermée que fût Maison-Close, ce nom y était arrivé, et, avec lui, la nouvelle de cette victoire de Saint-Denis à laquelle il était intimement mêlé.

Bridget se demandait si Jean n’allait pas venir au camp de Saint-Charles, s’il ne rendrait pas visite à sa mère, s’il ne franchirait pas la porte de sa demeure, pour lui dire ce qu’il avait fait, ce qu’il allait faire, pour l’embrasser encore une fois ? En réalité, cela dépendrait des phases de l’insurrection. Aussi Bridget se tenait-elle prête, à toute heure de nuit, à toute heure de jour, pour recevoir son fils à Maison-Close.

En apprenant la défaite de Saint-Denis, lord Gosford, craignant que les vainqueurs ne vinssent renforcer les patriotes de Saint-Charles, avait donné l’ordre de faire rétrograder la colonne Witherall.

Il était trop tard. Les courriers, envoyés de Montréal par sir John Colborne, furent arrêtés en route, et la colonne, au lieu de se porter en arrière, continua son mouvement sur Saint-Charles.

Dès lors, il n’était plus au pouvoir de personne d’empêcher le choc entre les insurgés de cette bourgade et les soldats de l’armée régulière.

Le 24 même, Jean-Sans-Nom était venu rejoindre les défenseurs du camp de Saint-Charles.

Avec Jean étaient accouru MM. de Vaudreuil, André Farran, William Clerc, Vincent Hodge et Sébastien Gramont. Deux jours avant, le fermier Harcher et ses cinq fils, après avoir quitté le