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velle violence. Les réformistes montraient un courage extraordinaire. Il en venait jusque sur la route, qui s’exposaient à découvert. Le docteur envoya son aide de camp, O. Perrault, de Montréal, pour leur porter l’ordre de se retirer. Perrault, frappé de deux balles, tomba mort.

Pendant une heure, les coups de fusil se croisèrent, — en somme, au désavantage des assaillants, bien qu’ils fussent blottis derrière des clôtures et des piles de bois.

C’est alors que le colonel Gore, voyant ses munitions s’épuiser, ordonna au capitaine Markman de tourner la position des patriotes.

Cet officier le tenta, non sans perdre la plupart de ses hommes. Lui-même, atteint d’une balle, fut renversé de cheval et dut être emporté par ses soldats.

L’affaire tournait mal pour les royaux. Aussitôt, des cris éclatèrent sur la route, et ils comprirent que c’étaient eux qui allaient être cernés.

Un homme venait de surgir — celui-là même autour duquel les Franco-Canadiens avaient l’habitude de se rallier comme autour d’un drapeau.

« Jean-Sans-Nom !… Jean-Sans-Nom ! » crièrent-ils en agitant leurs armes.

C’était Jean, à la tête d’une centaine d’insurgés, venus de Saint-Antoine, de Saint-Ours et de Contrecœur. Ils avaient traversé le Richelieu sous les balles, sous les boulets qui volaient à la surface du fleuve, et dont l’un brisa même l’aviron du bac sur lequel Jean se tenait debout.

« En avant, Raquettes et Castors ! » s’écria-t-il, en lançant ses compagnons.

À sa voix, les patriotes se ruèrent sur les royaux. Ceux qui résistaient encore dans la maison assiégée, encouragés par ce renfort inattendu, firent une sortie. Le colonel Gore dut battre en retraite dans la direction de Sorel, laissant plusieurs prisonniers et