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M. Demaray et le docteur Davignon, de Saint-Jean d’Iberville, qu’un détachement de cavalerie se disposait à ramener dans la journée du 22 novembre.

L’un des plus hardis partisans de la cause nationale, le représentant du comté de Chambly, L.-M. Viger — « le beau Viger » comme on l’appelait dans les rangs de l’insurrection — fut averti de l’arrestation de ses deux amis. L’homme qui vint l’en prévenir lui était encore inconnu.

« Qui êtes-vous ? lui demanda-t-il.

— Peu importe ! répondit cet homme. Les prisonniers, enchaînés dans une voiture, ne tarderont pas à traverser la paroisse de Longueuil, et il faut les délivrer !

— Êtes-vous seul ?

— Mes amis m’attendent.

— Où les rejoindrons-nous ?

— Sur la route.

— Je vous suis. »

Et c’est ce qui fut fait. Les partisans ne manquèrent ni à Viger ni à son compagnon. Ils arrivèrent à l’entrée de Longueuil, suivis d’une foule de patriotes qu’ils postèrent en avant du village. Mais l’alerte avait été donnée, et un détachement de royaux accourut pour prêter main-forte aux cavaliers qui escortaient la voiture. Leur chef avertit les habitants que, s’ils se joignaient à Viger, leur village serait livré aux flammes.

« Rien à faire ici, dit l’inconnu, lorsque ces menaces lui eurent été rapportées. Venez…

— Où ? demanda Viger.

— À deux milles de Longueuil, répondit-il. Ne donnons pas aux bureaucrates un prétexte pour se livrer à des représailles. Elles ne viendront que trop tôt peut-être !

— Partons ! » dit Viger.

Tous deux reprirent la route à travers champs, suivis de leurs hommes. Ils atteignirent la ferme Trudeau, et se placèrent dans