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proclamation disant que l’heure était venue « d’écraser la rébellion à sa naissance ». Les loyalistes, les constitutionnels, les bureaucrates, étaient invités à se concentrer sur la place d’Armes.

La réunion populaire se tint au jour et à l’endroit indiqués. Papineau s’y fit chaleureusement applaudir. D’autres orateurs, et parmi eux, Brown, Guimet, Édouard Rodier, provoquèrent d’enthousiastes acclamations.

Soudain une grêle de pierres assaillit la cour. C’étaient les loyalistes qui attaquaient les patriotes. Ceux-ci, armés de bâtons, se formèrent en quatre colonnes, s’élancèrent au dehors, se jetèrent sur les membres du Doric-club, les ramenèrent vivement jusqu’à la place d’Armes. Alors des coups de pistolet éclatèrent de part et d’autres. Brown reçut un choc violent qui l’étendit à terre, et l’un des plus déterminés réformistes, le chevalier de Lorimier, eut la cuisse traversée d’une balle.

Cependant les membres du Doric-club, bien qu’ils eussent été repoussés, ne s’étaient pas tenus pour battus. Aux applaudissements des bureaucrates, sachant que les habits-rouges allaient leur venir en aide, ils se dispersèrent à travers les rues de Montréal, brisèrent à coups de pierres les fenêtres de la maison de Papineau, saccagèrent les presses du Vindicator, feuille libérale qui combattait depuis longtemps pour la cause franco-canadienne.

À la suite de cette échauffourée, les patriotes furent traqués avec acharnement. Des mandats d’arrestation, lancés par ordre de lord Gosford, obligèrent les principaux chefs à prendre la fuite. Toutes les maisons, d’ailleurs, s’ouvrirent pour leur offrir refuge. M. de Vaudreuil, qui avait donné de sa personne, dut regagner le secret asile où la police l’avait cherché vainement depuis l’affaire de Chipogan.

Il en fut de même pour Jean-Sans-Nom, qui reparut bientôt dans les circonstances suivantes :

Après la sanglante manifestation du 6 novembre, quelques notables citoyens avaient été arrêtés aux environs de Montréal — entre autres