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le docteur Nelson, président de l’assemblée, lui répond-il au milieu d’acclamations frénétiques, disant : « que le temps était arrivé de fondre les cuillers pour en faire des balles ! » Ce que le docteur Côté, représentant de l’Acadie, accentue par ces énergiques et excitantes paroles :

« Le temps des discours est passé ! C’est du plomb qu’il faut envoyer à nos ennemis, maintenant ! »

Treize propositions sont alors adoptées, tandis que les hurrahs se mêlent aux salves de la mousqueterie milicienne.

Ces propositions, telles que les résume M. O. David dans sa brochure Les Patriotes, commençant par une affirmation des droits de l’homme, établissent le droit et la nécessité de résister à un gouvernement tyrannique, engagent les soldats anglais à déserter l’armée royale, encouragent le peuple à refuser d’obéir aux magistrats et aux officiers de milice, nommés par le gouvernement, puis à s’organiser comme les Fils de la Liberté.

Enfin, Papineau et ses collègues défilent devant la colonne symbolique, pendant qu’un hymne est lancé à toute voix par un chœur de jeunes gens.

Il semblait, en ce moment, que l’enthousiasme n’aurait pu aller au delà. Et cela arriva, cependant, après quelques instants de silence, lorsque apparut un nouveau personnage. C’est un jeune homme, au regard passionné, à la figure ardente. Il se hisse sur le socle de la colonne, et, dominant les milliers de spectateurs rassemblés au meeting de Saint-Charles, sa main agite le drapeau de l’indépendance canadienne. Plusieurs le reconnaissent. Mais, avant eux, l’avocat Gramont a jeté son nom, et la foule le répète au milieu des hurrahs : « Jean-Sans-Nom !… Jean-Sans-Nom ! »

Jean venait de quitter Maison-Close. Pour la première fois depuis la dernière prise d’armes de 1835, il se montrait publiquement ; puis, après avoir joint son nom à celui des protestataires, il disparaissait… Mais on l’avait revu, et l’effet fut immense.

Ces divers incidents, qui s’étaient produits à Saint-Charles,