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Cela ne lui réussit point. Il fut aussitôt enveloppé par les agents, qui ne lui épargnèrent pas les bourrades, et rudement emporté au milieu de la cour.

C’en était trop pour les guerriers mahogannis, dont les instincts belliqueux ne purent souffrir un tel attentat. Leur grand chef arrêté, maltraité !… Un Sagamore aux mains de ses ennemis, les Visages-Pâles !

Il n’en fallut pas davantage, et le cri de guerre de la tribu retentit dans la mêlée.

« En avant !… En avant, Hurons !… » hurla Lionel, qui ne se possédait plus.

L’intervention des Indiens vint brusquement changer la face des choses. La hache à la main, ils se précipitèrent sur les assaillants. Ceux-ci, épuisés par une lutte qui durait depuis une heure, reculèrent à leur tour. Jean-Sans-Nom, Thomas Harcher et leurs amis sentirent qu’un dernier effort permettrait de rejeter Rip et sa bande hors de l’enceinte. Ils reprirent l’offensive. Les Hurons les y aidèrent vivement, après avoir délivré maître Nick, qui se surprit à les encourager de sa voix sinon de son bras, encore inhabile à manier le tomahawk de ses ancêtres.

Et voilà comment un notaire de Montréal, le plus pacifique des hommes, fut compromis pour avoir défendu une cause, qui ne regardait ni les Mahogannis ni leur chef.

Agents et volontaires furent bientôt contraints de repasser la porte de la cour, et, comme les Indiens les poursuivirent pendant un mille au delà, les environs de la ferme de Chipogan furent entièrement dégagés.

Mauvaise affaire, décidément, et qui figurerait avec perte dans le prochain bilan de la maison Rip and Co !

Ce jour-là, force n’était point restée à la loi, mais au patriotisme.


fin de la première partie.