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« Lui !… Lui !… Jean-Sans-Nom ! »

Jean indiqua d’un geste qu’il voulait prendre la parole. Un profond silence s’établit.

« Je suis celui que vous cherchez, dit-il en s’adressant à Rip. Je suis Jean-Sans-Nom. »

Se retournant aussitôt vers le fermier et ses fils :

« Pardon, Thomas Harcher, pardon, mes braves compagnons, ajouta-t-il, si je vous ai caché qui j’étais, et merci pour l’hospitalité que j’ai trouvée depuis cinq ans à la ferme de Chipogan. Mais, cette hospitalité que j’avais acceptée, tant qu’elle ne créait pas un danger pour vous, je n’en voudrais plus à présent qu’il y va de la vie pour quiconque me donnerait refuge !… Oui, merci de la part de celui qui ne fut ici que votre fils adoptif, et qui est Jean-Sans-Nom pour son pays ! »

Un indescriptible mouvement d’enthousiasme accueillit cette déclaration.

« Vive Jean-Sans-Nom !… Vive Jean-Sans-Nom !… » cria-t-on de toutes parts.

Puis, lorsque les cris eurent cessé :

« Eh bien, reprit Thomas Harcher, puisque j’ai dit que nous défendrions Jean-Sans-Nom, défendons-le, mes fils !… Défendons-le jusqu’à la mort ? »

Jean voulut en vain s’interposer, afin d’empêcher une lutte par trop inégale. On ne l’écouta pas. Pierre et les aînés se jetèrent sur les agents, qui obstruaient le seuil, et ils les repoussèrent avec l’aide de leurs amis. La porte fut aussitôt refermée et barricadée de gros meubles. Pour s’introduire dans la salle, et même dans la maison, il faudrait pénétrer par les fenêtres, qui s’ouvraient à une dizaine de pieds au-dessus du sol.

C’était donc un assaut à donner — et dans l’obscurité, car la nuit commençait à se faire. Rip, qui n’était point homme à reculer, ayant d’ailleurs pour lui le nombre, prit ses mesures pour exécuter son mandat en lançant les volontaires contre la maison.