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Rip ne se démonta pas.

« Thomas Harcher, reprit-il, si vous connaissez la proclamation du 3 septembre 1837, peut-être ne connaissez-vous pas le nouvel arrêté que le gouverneur général vient de prendre hier, à la date du 6 octobre ?

— C’est vrai, je ne le connais pas, répondit le fermier, et, s’il est du genre de l’autre, s’il provoque à la délation, vous pouvez vous dispenser de le faire connaître !

— Vous l’entendrez pourtant ! » répliqua Rip.

Et, déployant un papier contresigné de Gilbert Argall, il lut ce qui suit :


« Est enjoint à tout habitant des villes et des campagnes canadiennes de refuser aide et protection au proscrit Jean-Sans-Nom. Peine de mort pour quiconque lui aura donné asile. »

« Par le gouverneur général,
« Le Ministre de la Police,
Gilbert Argall. »


Ainsi, le gouvernement anglais avait osé aller jusqu’à de tels moyens ! Après avoir mis à prix la tête de Jean-Sans-Nom, il prononçait maintenant la peine capitale contre quiconque lui aurait donné ou lui donnerait asile !

Cet acte inqualifiable entraîna les protestations les plus violentes de la part des assistants. Thomas Harcher, ses fils, ses invités, quittaient déjà leur place pour se jeter sur Rip, pour le chasser de la ferme avec son escouade d’agents et de volontaires, lorsque maître Nick les arrêta d’un geste.

La figure du notaire était devenue grave. À l’égal de tous les patriotes réunis dans cette salle, il éprouvait cette horreur si naturelle que devait inspirer l’arrêté de lord Gosford, dont Rip venait de donner communication.