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À ces mots, Thomas Harcher regarda sa femme, et Catherine, lui saisissant le bras, s’écria :

« Mais réponds donc à ce qu’on te demande !

— Oui, Thomas, répondez ! ajouta maître Nick. Il me semble que la réponse est facile !

— Très facile, en effet ! » dit le fermier.

Et, se retournant vers Rip :

« Jean-Sans-Nom que vous cherchez, dit-il, n’est pas à la ferme de Chipogan.

— Et moi, j’affirme qu’il y est, Thomas Harcher, répondit froidement Rip.

— Non, vous dis-je, il n’y est pas !… Il n’a jamais paru ici !… Je ne le connais même pas !… Mais j’ajoute que s’il était venu me demander asile, je l’aurais reçu, et que s’il était chez moi, je ne le livrerais pas ! »

Aux démonstrations significatives qui accueillirent la déclaration du fermier, Rip ne pouvait se tromper. Thomas Harcher s’était fait l’interprète des sentiments de toute l’assistance. En admettant que Jean-Sans-Nom se fût réfugié à la ferme, pas un seul de ses hôtes n’aurait eu la lâcheté de le trahir.

Jean, toujours impassible, écoutait. M. de Vaudreuil et Clary n’osaient même plus le regarder, par crainte d’attirer sur lui l’attention de Rip.

« Thomas Harcher, reprit celui-ci, vous n’ignorez pas, sans doute, qu’une proclamation, en date du 3 septembre 1837, offre une prime de six mille piastres à quiconque arrêtera Jean-Sans-Nom ou fera connaître sa retraite ?

— Je ne l’ignore pas, répondit le fermier, et nul ne l’ignore en Canada. Mais il ne s’est pas trouvé jusqu’ici un seul Canadien assez misérable pour accomplir une si odieuse trahison… et il ne s’en trouvera jamais !…

— Bien dit, Thomas ! » s’écria Catherine, à laquelle ses enfants et ses amis se joignirent.