Page:Verne - Famille-sans-nom, Hetzel, 1889.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Pas encore ! s’écria Pierre Harcher, qui s’était avancé jusqu’au seuil de la grande porte, afin de voir s’il ne passait plus personne sur la route.

— Et qui vient donc ?… cria maître Nick.

— Une troupe de Hurons !

— Qu’ils entrent, qu’ils entrent ! répliqua le notaire. Leurs signatures n’en feront pas moins honneur aux fiancés ! Quel contrat, mes amis, quel contrat ! J’en ai bien dressé des centaines dans ma vie, mais jamais qui aient réuni les noms de tant de braves gens au bas de leur dernière page ! »

En ce moment, les sauvages parurent et furent accueillis par de retentissants cris de bienvenue. D’ailleurs, il n’avait point été nécessaire de les inviter à entrer dans la cour. C’est bien là qu’ils venaient, au nombre d’une cinquantaine — hommes et femmes. Et, parmi eux, Thomas Harcher reconnut le Huron qui s’était présenté la veille, pour demander si maître Nick ne se trouvait pas à la ferme de Chipogan.

Pourquoi cette troupe de Mahogannis avait-elle quitté son village de Walhatta ? Pourquoi ces Indiens arrivaient-ils en grande cérémonie, afin de rendre visite au notaire de Montréal ?

C’était pour un motif de haute importance, ainsi qu’on va bientôt le savoir.

Ces Hurons — et ils ne le font que dans les circonstances solennelles — étaient revêtus de leur costume de guerre. La tête coiffée de plumes multicolores, leurs longs et épais cheveux, descendant jusqu’à l’épaule d’où retombait le manteau de laine bariolée, le torse recouvert d’une casaque en peau de daim, les pieds chaussés de mocassins en cuir d’orignal, tous étaient armés de ces longs fusils qui, depuis bien des années, ont remplacé chez les tribus indiennes l’arc et les flèches de leurs ancêtres. Mais la hache traditionnelle, le tomahawk de guerre, pendait toujours à la courroie d’écorce qui leur ceignait la taille.

En outre — détail qui accentuait plus encore la gravité de la