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— Mais non mieux accueilli ! répondit la jeune fille.

— Je le sais, et je n’oublierai jamais que, pendant les quelques jours que j’ai passés près de vous, votre père et vous m’avez traité comme un fils, comme un frère !

— Comme nous le devions, répondit Clary. Être unis par le même sentiment de patriotisme n’est-ce pas être unis par le même sang ! Il me semble, parfois, que vous avez toujours fait partie de notre famille ! Et maintenant, si vous êtes seul au monde…

— Seul au monde, répéta Jean, qui avait baissé la tête. Oui ! seul… seul !…

— Eh bien, après le triomphe de la cause, notre maison sera la vôtre ! Mais, en attendant, je comprends que vous cherchiez une retraite plus sûre que la villa Montcalm. Vous la trouverez, et, d’ailleurs, quel est le Canadien dont la demeure refuserait de s’ouvrir pour un proscrit…

— Il n’en est pas, je le sais, répondit Jean, et aucun ne serait assez misérable pour me trahir…

— Vous trahir ! s’écria Mlle de Vaudreuil. Non !… Le temps des trahisons est passé ! Dans tout le Canada, on ne trouverait plus ni un Black, ni un Simon Morgaz ! »

Ce nom, prononcé avec horreur, fit monter la rougeur au front du jeune homme, et il dût se détourner pour cacher son trouble. Clary de Vaudreuil ne s’en était point aperçue ; mais, lorsque Jean revint près d’elle, son visage exprimait une si visible souffrance qu’elle lui dit, inquiète :

« Mon Dieu !… Qu’avez-vous ?…

— Rien… ce n’est rien ! répondit Jean. Des palpitations auxquelles je suis parfois sujet !… Il me semble que mon cœur va éclater !… C’est fini maintenant ! »

Clary le regarda longuement, comme pour lire jusqu’au fond de sa pensée.

Il reprit alors, afin de changer le cours de cette conversation si torturante pour lui :